l’hétérogénéité

Publié le par Nisaes

Hétérogénéité, dérivé du latin heterogeneitas, dérivé lui-même du grec heterogenês (hétérogène : « d’un autre genre, d’une autre espèce » Robert Historique) est employé pour désigner la qualité de ce qui est hétérogène (Littré) ; l’hétérogénéité correspond donc à la qualité de ce « qui n'est pas de la même nature qu'une autre chose » (Littré, Robert), « qui n’a pas d’unité » (Robert).

a. L’hétérogénéité selon Marie-claude Grandguillot (Enseigner en classe hétérogène, 1993, Pédagogie pour demain – Nouvelles Approches – Hachette pages 32 à 35)

Elle subdivise l’hétérogénéité en trois catégories :

L’hétérogénéité des niveaux (Pages 32-33)

Elle regroupe dans cette catégorie les notions de justesse et de vitesse d’apprentissage et de quantité et qualité de travail : « Tous les élèves ne réussissent pas de la même façon, certains comprennent vite, travaillent et obtiennent de bonnes notes ». Marie-claude Grandguillot souligne le caractère subjectif et le fait que cette hétérogénéité est liée au jugement que porte le professeur sur ses élèves en employant les termes de « bons », « moyens », « faibles » et « nuls » pour désigner les élèves. De façon plus générale, elle parle de ceux qui se conforment aux attentes des professeurs, les bons, et désigne les mauvais comme étant ceux qui ne répondent pas à ces attentes en terme de niveau et aussi et surtout de comportement. Elle pose la définition d’une « hétérogénéité problématique », comme venant de la perception « de ce que trop d’élèves ne sont pas au niveau » et relativise la notion de niveau nécessaire et attendu par l’enseignant en parlant d’« exigence requise ». Enfin elle remet en cause le fait que les connaissances se construisent par strates.

Sur ce dernier point, et même si nous ne nierons pas qu’il existe plusieurs niveaux d’exigence allant de la compréhension d’une notion à la possibilité d’identifier et appliquer cette notion hors du contexte scolaire ou consistant à mettre cette notion en rapport avec d’autres pré existantes afin de construire un tout cohérent, il paraît important de spécifier, qu’au moins en mathématiques, il existe bien des pré requis nécessaires pour aborder une nouvelle notion. En outre si l’ensemble de ces notions abordables ne constitue pas une strate à proprement parler et que chaque notion assimilée modifie cet ensemble des possibles, il n’en existe pas moins un ensemble des possibles initial, tiré de l’ensemble des acquis en début de formation, dont il peut apparaître comme logique de l’aborder en priorité en se basant sur l’idée que construire de nouvelles notions sur un existant plus ancien et donc plus « stable » paraît plus raisonnable que sur une structure rendu instable donc peu rassurante par l’acquisition récente d’une nouvelle notion. Encore faut-il que la structure que l’on considère comme stable, voir existante, soit une réalité pour les stagiaires.

L’hétérogénéité des origines sociales et culturelles (Pages 33-35)

Elle regroupe les différences que peuvent vivre les stagiaires en terme d’assistance possible, de représentation et d’importance que le milieu social et culturel dans lequel le stagiaire évolue ont, vis-à-vis de l’acte d’apprendre et d’enseigner, des rôles respectifs, de l’enseignant, du groupe de stagiaires, du stagiaire et de son entourage dans le cadre de l’enseignement, et de la matière enseignée.

Cette hétérogénéité, souvent indirecte, vis-à-vis de l’apprentissage, joue cependant un rôle direct dans certains domaines comme l’aide qu’est susceptible d’obtenir le stagiaire grâce à son entourage, en terme de disponibilité et de pertinence vis-à-vis de la matière ou en terme de vocabulaire dont dispose le stagiaire et dont il use en dehors du groupe en formation. Le rôle indirect de l’entourage sur les représentations, les centres d’intérêt qu’il développe, n’est pourtant pas à négliger, mais peut être considéré du point de vue personnel et direct vis-à-vis du stagiaire, via l’établissement et l’adhésion de celui-ci au contrat didactique (implicite ou non) que le formateur et le groupe mettent en place entre chacun de ses membres.

Pour notre part et par analogie au contrat didactique qui lie l’enseignant au groupe de stagiaires et au-delà l’enseignant à chacun des stagiaires du groupe, il nous semble qu’il existe, de fait, un autre type de contrat d’entraide ou d’apprentissage liant le stagiaire au groupe de stagiaires et au-delà aux autres stagiaires de ce groupe et qu’il serait intéressant de mettre en relation ces deux types de contrat, dans le but d’améliorer l’aisance de travail du groupe en formation. Nous ne manquerons pas d’examiner cette thèse dans la suite du mémoire.

L’hétérogénéité des comportements vis-à-vis des apprentissages scolaires (Pages 35-36)

Elle regroupe les différences que les stagiaires ont, en terme de méthode d’apprentissage, de représentation, d’estime de soi et de motivation, vis-à-vis de l’acte d’apprendre et d’enseigner, des rôles respectifs, de l’enseignant, du groupe de stagiaires, du stagiaire et de son entourage, et de la matière enseignée.

Cette hétérogénéité, du point de vue des méthodes de travail en groupe et des représentations du stagiaire face au groupe et aux autres membres du groupe, pose la question des objectifs de socialisation présents en maternelle et en éducation civique et de leur transfert dans le cadre pratique du groupe en formation dans le but d’améliorer l’aisance de travail. Si le fait qu’il y ait des objectifs de socialisation n’impose pas nécessairement qu’il y ait une bonne méthode de travail en groupe ou en équipe, il implique l’existence de principes régissant ce domaine. Nous nous posons donc légitimement les questions, « que deviennent ces principes dans le cadre d’une formation ? » Et au-delà de « savoir si les objectifs annoncés sont acquis, que peut on en faire dans le cadre d’une formation de groupe ? » Ces deux questions, étudiées en rapport avec les tâches du formateur, du groupe et du stagiaire dans ce groupe, seront l’objet de la suite de ce mémoire. Nous étudierons plus particulièrement ce qu’il est possible, voir souhaitable, de faire du point de vue du formateur et ce que cela nécessite pour le formateur du point de vue des dispositions psychologiques et des représentations dans le but d’y parvenir.

b. Les hétérogénéités selon Bernard SARRAZY ((2002). – Les hétérogénéités dans l’enseignement des mathématiques. Educational Studies in Mathematics. Kluwer Academic Publishers. (Dordrecht. Boston. London). 49. 89-117.

(http://perso.orange.fr/daest/Pages%20perso/textes_sarrazy/heterogeneites_esm.pdf)

L’auteur nous montre que l’hétérogénéité dépend du (ou des) critère(s) pertinents pour un « système » donné, même si pour ces critères, elle est objectivable et donc mesurable : « L’hétérogénéité n’est pas une propriété intrinsèque et naturelle d’un système : elle est toujours et nécessairement une construction finalisée d’un observateur, ou, plus généralement, de celui qui porte un jugement sur le système considéré. Même s’il est possible de l’objectiver, voire même de la mesurer, la caractéristique sur laquelle elle porte (la taille, le genre…) est résolument orientée par une finalité explicite ou tacitement admise. » En d’autres termes, l’ensemble des critères permettant de mesurer l’hétérogénéité d’un groupe n’est pas forcément, et même rarement la même si l’on parle de mathématiques ou d’une autre matière. Il convient donc, pour étudier l’hétérogénéité d’un groupe, de déterminer les critères pertinents et adaptés à la matière étudiée. B. SARRAZY fait ensuite le constat que la mesure de l’hétérogénéité n’est jamais nulle et que la perception qu’en a celui qui l’observe dépend de sa « sensibilité discriminative » : Un groupe observé à « l’œil nu » selon un critère, paraîtra beaucoup moins hétérogène à l’observateur que s’il utilise un « microscope électronique ».

B. SARRAZY, détermine trois grands types d’hétérogénéités :

« 1) L'hétérogénéité exogène: traits a priori de nature non-didactique comme, par exemple, la catégorie socioprofessionnelle d’origine des élèves

2) L’hétérogénéité péri-didactique : ensemble des caractéristiques liées aux acquisitions disciplinaires comme par exemple le « niveau scolaire des élèves en mathématiques »

3) L’hétérogénéité didactique est définie comme une création du système didactique permettant l'ajustement des exigences fixées par le curriculum aux contraintes effectives d'un système didactique particulier (niveaux des élèves, temps, niveau de difficulté des connaissances en jeu…). Sous ce modèle théorique, l’enseignement est envisagé comme un processus régulateur des hétérogénéités en vue d'une meilleure maîtrise des connaissances visées pour le plus grand nombre d’élèves. »

Bernard SARRAZY définit l’hétérogénéité didactique comme les différents niveaux d’appropriation par les élèves des nouveaux savoirs. On peut le mesurer par le nombre d’élèves qui a compris les nouvelles notions, et par le niveau de maîtrise qu’ils ont de ces notions. L’hétérogénéité didactique est la différence de vitesse et de justesse d’apprentissage entre les stagiaires du groupe vis-à-vis des notions nouvelles ou en cours d’acquisition.

Nous préciserons, toujours sur la notion d’hétérogénéité didactique que B. SARRAZY la définie comme liée au contrat didactique (notion dont on trouvera plusieurs définitions pour l’auteur dans son article : Revue Française de Pédagogie, Le contrat didactique, Bernard SARRAZY, Note de synthèse, 1995, n° 112, p. 85-118. http://perso.orange.fr/daest/Pages%20perso/textes_sarrazy/contrat_didactique_1995.pdf) en cela que l’hétérogénéité didactique permet à l’enseignant de fixer les difficultés et l’enchaînement des tâches dans l’optique d’atteindre les objectifs fixés dans un temps donné, avec un groupe donné, selon une méthode choisie. Tout cela sachant, comme son étude le montre, que plus l’enseignant choisit une difficulté élevée, plus l’hétérogénéité péri-didactique augmentera au sein du groupe et plus la tâche est facile, plus elle diminuera. Il est à noter que plus la difficulté est élevé plus on risque de créer des situations de décrochage et plus la difficulté est élevée plus les « meilleurs » risquent de s’ennuyer en attendant les autres. Pour reprendre l’exemple du peloton de cyclistes que prend l’auteur au cours de son étude, il place l’enseignant dans la situation suivante :

L’enseignant connaît le point de départ de chacun des cyclistes et leur état d’esprit vis-à-vis du cyclisme (hétérogénéité péri-didactique).
Il sait quelle distance il veut (« faire avancer le savoir […] ») leur faire parcourir et de quel temps il dispose pour ce faire (objectifs et temps de formation).
Il a la volonté que tous y parviennent (« […] sans abandonner certains élèves dans cette aventure ») et que les « meilleurs » ne s’ennuient pas.
Il propose que l’enseignant, en observant la vitesse de progression (hétérogénéité didactique) détermine au fur et à mesure le parcours de la randonné (ou course selon la vision que l’on a de l’importance de la compétition dans le groupe), sachant qu’une côte (difficulté élevée) dispersera le peloton (sous réserve qu’il s’agisse d’un peloton en ce sens qu’il n’est pas évident que tous les cyclistes se soient rejoints) et qu’un faux plat resserrera le peloton, mais qu’il risque d’ennuyer les meilleurs avides de difficultés.

En conclusion B. SARRAZI nous dit que l’hétérogénéité est une notion qui dépend de la matière et dans son étude de l’hétérogénéité exogène, il semble considérer comme critères valables pour l’étude de ce type d’hétérogénéité, la catégorie socio professionnelle et le niveau d’étude des parents, d’où il tire que l’hétérogénéité exogène n’a pas significativement d’influence en mathématiques. Mais les critères pertinents ne sont-ils pas, dans ce cas, le fait qu’un ou deux ou aucun des parents ait un métier en lien avec les mathématiques et le niveau de maîtrise (de diplôme) des parents concernant les mathématiques ? Car si pour le français, le choix des critères semble raisonnable du fait qu’il est difficile d’être issu d’une catégorie socio professionnelle élevée, d’avoir un niveau d’étude élevé, sans une certaine maîtrise de la langue, il ne me semble pas en être de même pour les mathématiques. Cette étude nous montre que les élèves qui « profitent » le plus de l’enseignement en mathématiques sont les moyens et les plus forts. Que pouvons-nous en déduire ? Les plus forts avancent-ils plus vite ? Les pré requis ne sont-ils pas acquis pour les plus faibles ? Ou encore les professeurs choisissent-ils, ou sont-ils obligés, de travailler pour le plus grand nombre et pas pour tous ? Enfin, nous nous permettrons de vous faire remarquer que si B. SARRAZI classe « l’estime de soi scolaire » dans l’hétérogénéité « péri-didactique », il n’envisage de mesurer cette hétérogénéité que du point de vue des notions acquises. Ce qui exprime parfaitement le peu de cas qu’il fait du psychologique dans son étude et ceci certainement à son esprit défendant. Je crois comprendre son point de vue et son exaspération perceptible, compte tenu de ce que nous avons déjà évoqué concernant les hétérogénéités, les préconisations faites par les psychologues et pédagogues de leur traitement et les conséquences passées et à venir qu’elles ont ou auront au travers de l’imposition, par l’éducation nationale, des « bonnes pratiques » en matière de pédagogie.

Conclusions concernant l’hétérogénéité :

L’hétérogénéité pertinente est une notion qui varie, ou peut varier, en fonction de la matière, du milieu, du public et, comme nous avons pu le constater au travers des deux conceptions précédentes, des représentations que nous nous faisons de l’enseignement et du rôle du formateur. Nul doute que le pédagogue ou le psychologue fera remarquer à B. SARRAZY que dans son histoire de cycliste, il ne s’occupe ni du vélo, ni de l’entraînement, ni de la technique, ni de la motivation des randonneurs et qu’il n’encourage, ni n’intervient sur le travail d’équipe pourtant primordial en cyclisme comme en formation. Je ne suis pas fan de cyclisme et je m’abstiendrai donc de tout commentaire en ce sens. Nous allons pour notre part nous intéresser à la notion d’hétérogénéité dans toutes ses dimensions afin de déterminer ce qu’est maintenant, ou ce que sera bientôt le rôle du formateur ou de l’enseignant pour les pédagogues comme Philippe Meirieu. Car les pédagogues à l’origine de la pédagogie différenciée, s’ils s’intéressent et prennent en compte les stagiaires le plus largement possible, afin de permettre à chacun d’apprendre en plaçant « l’apprenant au centre de ses apprentissages », semblent oublier le formateur en route et du même coup l’un des membres du groupe en formation. De plus, la pédagogie différenciée, en mettant en avant la participation et en proposant le travail de groupe, suppose que les stagiaires et le formateur savent travailler en groupe (en équipe), ce qui malgré les objectifs louables de la maternelle et de l’éducation civique préoccupe encore beaucoup de managers en entreprise et de chefs de service, d’établissement etc. dans le service public. Mais revenons au rôle du formateur idéal afin de mesurer l’ampleur de la tâche et de trouver un ensemble de solutions qui permette d’améliorer l’aisance de travail en formation en incluant dans le groupe le formateur ou l’enseignant et qui tienne compte du niveau de maîtrise de ce groupe en ce qui concerne la socialisation.

Publié dans Pédagogie

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S
Salut<br /> moi c'etait juste pour savoir si nous avions un lien de parenté.<br /> a bientot
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N
Je ne pense pas pour ma part. Peut être avec M.SARRAZY....<br /> Mon identité secrête est dévoilée ici: http://nisaes.free.fr/<br /> A bientôt
M
Bonjour,<br /> Ton article est extrêùent intéressant quand on se donne la peine de le lire.<br /> Travailles tu toujours sur ce sujet ? Si cela t'intéresse, je viens d'éditer un article concernant le groupe que je gère dans un centre social !<br /> A bientôt
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