Le rôle du formateur, de l'enseignant

Publié le par Nisaes

Nous avons vu que la question de la motivation, qui apparaît comme nouvelle en cela qu’elle est de plus en plus généralisée, implique pour le pédagogue la gestion de l’hétérogénéité des centres d’intérêts et des attentes des stagiaires dans le but d’amener le stagiaire à l’étude volontaire de la matière. Voyons maintenant quel est l’ensemble des paramètres ou principes que les psychologues et pédagogues estiment lié à l’acte d’apprentissage, d’enseignement, donc faisant partie du rôle du formateur idéal, au travers des hétérogénéités.

Le formateur idéal doit savoir apporter une solution à :

L’hétérogénéité des centres d’intérêts des stagiaires, dans le but d’amener les stagiaires à s’intéresser à la matière et donc de gérer la motivation de chacun, en donnant sens à l’enseignement en répondant aux questions « Qu’est ce que c’est ? » et « A quoi cela peut-il me servir ? ».

L’hétérogénéité des attentes des stagiaires vis-à-vis de la matière, dans le but de les satisfaire ou d’offrir des pistes de satisfaction de ces attentes, démontrant ainsi à chaque stagiaire l’utilité de l’enseignement au travers d’un résultat pratique immédiat en rapport avec ses centres d’intérêts.

L’hétérogénéité des besoins des stagiaires, dans le but d’offrir à chaque stagiaire les outils qui lui seront nécessaires dans le cadre de son activité professionnelle actuelle ou future, en fixant et ou respectant les objectifs de la formation.

L’hétérogénéité des représentations des stagiaires vis-à-vis de l’acte d’apprendre, dans le but de faciliter l’apprentissage de chaque stagiaire, en s’adaptant à sa manière d’apprendre dans ce qu’elle implique comme contraintes. On suppose ici que les représentations du stagiaire de l’acte d’apprendre sont valables dans la matière considérée, sans quoi il faut aider le stagiaire à construire sa méthode.

L’hétérogénéité des représentations des stagiaires vis-à-vis de l’acte d’enseigner, dans le but de faciliter l’apprentissage en définissant son rôle d’enseignant vis-à-vis de chaque stagiaire, en adaptant son attitude aux représentations de ce dernier. Comme dans l’hétérogénéité précédente, on suppose que les représentations du stagiaire sont compatibles avec l’acte d’enseigner, sans quoi il est nécessaire de l’amener à faire évoluer ses représentations dans un souci d’efficacité.

L’hétérogénéité des représentations des stagiaires vis-à-vis de la matière, dans le but de d’améliorer le rapport de chaque stagiaire à la matière enseignée, en améliorant sa confiance en ses possibilités de progresser dans son savoir, en lui montrant qu’il est capable de résoudre des problèmes et de poser des questions pertinentes en rapport avec les notions abordées. Dans la pratique cela revient à réussir à dire au stagiaire de façon justifiée, « tu vois bien que tu peux le faire » ou « c’est bien, continue comme ça » ou encore « toujours aussi doué ».

L’hétérogénéité des méthodes d’apprentissage des stagiaires, dans le but de faciliter l’apprentissage, en offrant la possibilité à chaque stagiaire d’appréhender le savoir selon sa ou ses méthodes d’apprentissage (déduction, induction, analogie, recherche etc.).

L’hétérogénéité des niveaux de connaissances et de compétences des stagiaires, dans le but de rendre possible la progression et l’atteinte des objectifs pour chaque stagiaire, en s’assurant que le stagiaire possède bien les pré requis pour atteindre les objectifs et que sa progression est toujours possible.

L’hétérogénéité des vitesses d’apprentissages des stagiaires, dans le but de rendre possible l’acquisition de nouvelles notions pour chaque stagiaire, en adaptant le rythme de la formation à chaque cas.

L’hétérogénéité des exigences des stagiaires en terme d’objectifs personnels, dans le but d’aider chaque stagiaire à gérer ses efforts, en lui exposant le plus précisément possible ce qui est attendu de lui en terme de maîtrise de chacune des notions abordées.

L’hétérogénéité de niveau en terme de prise de parole en public, dans le but que chaque stagiaire ose exposer ses difficultés afin qu’elles puissent être traitées, en offrant des espaces de parole privés de notion de jugement et en encourageant les stagiaires a s’en saisir.

L’hétérogénéité des erreurs et des réussites des stagiaires, dans le but que chaque stagiaire puisse bénéficier d’une remédiation concernant les notions mal maîtrisées au travers du traitement de ses erreurs et ai l’occasion de reformuler ses réussites, dans le but d’identifier les stratégies adaptées qu’il a su mettre en place pour résoudre un problème. Exemple : La question « Tu es sûr ? » ou « Peux-tu m’expliquer ? » qui s’applique aussi bien aux travaux réussis, qu’à ceux comportant des erreurs.

L’hétérogénéité de niveau en terme de socialisation, dans le but que chaque stagiaire bénéficie d’un environnement d’apprentissage adapté à ses besoins, en instaurant le droit et les conditions de prise de parole, le respect de l’autre, le droit à l’erreur, l’écoute, l’entraide (faire expliciter et expliquer sans faire à la place).

L’hétérogénéité de niveau en terme de vocabulaire, dans le but de rendre accessible les explications et consignes à chaque stagiaire, en s’assurant que les termes employés soient compris par chaque stagiaire dans tout leur sens et dans le contexte de leur utilisation.

L’hétérogénéité en terme d’estime de soi scolaire, dans le but que chaque stagiaire puisse avoir une image la plus juste possible de ses acquis et possibilités dans la matière enseignée, afin qu’il puisse doser les efforts qu’il a à accomplir, en lui montrant la réalité de ses possibilités et de ses acquis. Ceci aussi bien dans le cas de sous-estimation que dans celui de surestimation.

L’hétérogénéité des modes de perception des stagiaires, dans le but que chaque stagiaire puisse appréhender les définitions et explications selon son ou ses modes de perception principaux, en utilisant l’oral, l’écrit, le gestuel et l’expérimentation concrète.

Après ce long descriptif, nul doute que nous sommes encore loin du compte et qu’il existe bien d’autres solutions à apporter a bien d’autres hétérogénéités. Aux vues de la complexité de la tâche essayons de généraliser un peu…

Le rôle du formateur selon les pédagogues et psychologues :

Il se dessine quatre axes principaux dans l’acte d’enseignement en groupe :

  • - Motiver chaque stagiaire
  • - La ou les matières enseignées
  • - Le travail de groupe (socialisation)
  • - Les techniques d’apprentissages

La définition des pédagogues actuellement en vogue semble être :

Motiver chaque stagiaire à apprendre en l’impliquant, afin de pouvoir lui enseigner un savoir en s’adaptant à ses techniques d’apprentissages et en l’amenant à les parfaire dans une optique de personnalisation et de spécialisation en tenant compte de ses aptitudes sociales. Eventuellement il peut être question pour certains d’entre eux de l’acquisition de compétences de socialisation, mais le plus souvent elles sont considérées comme acquises.

Soyons un peu plus ambitieux que les pédagogues, dans un souci de travail bien fait et d’apporter aux stagiaires ce qui leur offre le plus de possibilités de développement et d’épanouissement et définissons le rôle du formateur comme :

Enseigner à chaque stagiaire la façon de motiver, les savoirs, les techniques d’apprentissages les plus adaptées à chaque savoir dans une optique personnelle, et comment mettre en place les règles sociales nécessaires adaptées au travail d’un groupe particulier et de chacun de ses membre.

Le rôle du formateur devient :

  • - Enseigner à motiver
  • - Enseigner la ou les matières.
  • - Enseigner à apprendre en fonction des spécificités du savoir à acquérir et des individus.
  • - Enseigner à fixer les règles de travail d’un groupe en formation en prenant en compte chaque individu.

Ceci en tenant compte de l’aisance de travail du groupe (incluant le formateur) et de la progression de chacun vis-à-vis des quatre types d’objectifs.

Jusqu’ici l’idée n’a rien d’originale et ressemble même beaucoup à l’idée de la pédagogie différenciée. Mais Poussons encore un peu notre raisonnement et ce qu’implique notamment la notion d’aisance de travail. Le formateur, à ce stade et devant le surcroît de travail, se voit dans l’incapacité de mener sa tâche à bien, il lui faudrait, devant la multiplicité des objectifs et des cas, être plusieurs. Examinons plus avant cette idée, « comment être plusieurs » tout en conservant les objectifs intacts ? Quel métier nécessite de motiver, d’apprendre aux autres à apprendre et de fixer les règles de travail en commun ? La réponse est claire, le métier de formateur correspond à toutes ces exigences. Voyons comment nous pouvons concilier tout cela. Il nous reste à voir en quoi, à supposer que la solution du problème soit bien d’enseigner aux stagiaires dans l’optique de leur apprendre à enseigner, de voir ce que peut leur apporter l’enseignement de la matière aux autres stagiaires et réciproquement. Une étude du tutorat va nous permettre d’éclairer les bénéfices qu’enseigner apporte au tuteur et au tutoré.

Le tutorat :

(http://recherche.aix-mrs.iufm.fr/publ/voc/n1/barnier/index.html Gérard Barnier, Docteur en psychologie et science de l’éducation, professeur à l’IUFM d’Aix Marseille)

« Le tutorat autorise une meilleure prise en compte des relations et des activités entre apprenants et permet une plus grande participation des élèves à leurs propres apprentissages. Situé à l’articulation de l’acte d’enseigner et de celui d’apprendre, il sollicite conjointement les processus de transmission, d’appropriation et de réinvestissement des connaissances. Il s'appuie sur une conception du développement comme processus d'assistance et de co-élaboration entre les individus, où la capacité à apprendre est corrélative de celle d'expliquer, d'enseigner. On le trouve mis en œuvre dans des dispositifs de lutte contre l'échec scolaire ainsi que dans des activités pédagogiques visant l'individualisation l'enseignement, et ses effets bénéfiques peuvent aussi bien concerner les tutorés (ceux qui sont aidés) que les tuteurs. »

« Tel qu'il est pratiqué aujourd'hui, le tutorat entre pairs cherche à favoriser la prise de confiance en soi, à aider au renforcement et à l'acquisition de savoirs des tutorés, mais aussi à accroître la capacité à apprendre des tuteurs en développant leur capacité à enseigner. C’est ce dernier aspect qui est au centre de la définition qu'en proposent Goodlad et Hirst : "le tutorat entre pairs est ce système d'enseignement au sein duquel les apprenants s'aident les uns les autres et apprennent en enseignant." »

« Bien que les dispositifs tutoriels soient extrêmement diversifiés, le principe de base reste relativement simple : un élève plus compétent qu’un autre dans un domaine ou par rapport à une tâche particulière, vient en aide à un autre élève, non pour faire à sa place ni pour lui dicter ce qu’il faut faire, mais en lui expliquant comment s’y prendre pour qu’il parvienne à mieux réussir par lui-même. »

Nous soulignerons le fait que l’action de tutorat consiste dans un premier temps à faire expliciter sa méthode de résolution au tutoré et qu’il est du rôle du tuteur de tenter de prolonger et de corriger la méthode qu’emploi le tutoré avant que de lui imposer une méthode de résolution personnelle. Dans un second temps, nous encourageons le tuteur tenté d’expliquer sa méthode au tutoré afin que celui-ci juge de la possibilité qu’il a de s’en inspirer et de l’inclure à sa démarche. Enfin, le tuteur, comme le formateur, doit examiner à chaque instant la possibilité qu’une démarche même imparfaite peut avoir son utilité en cela qu’elle est susceptible de contenir un raccourci intéressant offrant ainsi au tuteur la possibilité d’optimiser sa démarche personnelle.

« Que les élèves à un moment donné soient en situation d'enseigner ce qu'ils ont appris leur permet de s'approprier réellement le savoir en favorisant la fixation des connaissances. Cet enseignement par l'enfant n'a absolument pas pour but de se substituer au maître. C'est une manière de rendre l'élève plus actif dans la maîtrise des savoirs, de lui "apprendre à apprendre." »

Ici, et dans l’optique qui est la notre, le tutorat a pour but que le tuteur puisse aborder une des fonctions assurée habituellement par l’enseignant, afin qu’il puisse se substituer au « maître » dans cette fonction. Gardons bien à l’esprit qu’il ne s’agit là que d’une des portes d’entrée possible pour que le tuteur puisse agir au sein du groupe comme un formateur adjoint.

« Au 19° siècle, le monitorial system de Bell et Lancaster ainsi que le spectaculaire essor des Ecoles Mutuelles un peu partout dans le monde, a remis au premier plan l'idée qu'enseigner c'est apprendre deux fois. Il s'agissait alors de développer un enseignement de masse au moindre coût, mais ces écoles ont également constitué le creuset de pratiques pédagogiques novatrices dont hériteront les écoles de J. Ferry. Plus près de nous, des dispositifs pédagogiques de coopération, d’entraide, de guidage entre élèves sont présents chez Dewey, Decroly, Claparède, Freinet, ou encore Montessori pour qui la coéducation et l'entraide sont de nature à impulser le développement de l’enfant, "ce constructeur de l’homme". S'intéressant à la formation de l'esprit scientifique, Bachelard prônait une pratique d'enseignement où l'élève passerait par le détour formateur d’avoir aussi à enseigner ce qu’on lui enseigne. »

« Effet du tutorat sur l'enfant aidé :

C'est en référence à la conception vygotskienne du développement sous-tendue par le concept de zone proximale de développement, et aux travaux actuels du socio-constructivisme, que le tutorat entre pairs prend tout son intérêt. Activateur du développement mental, l'apprentissage provoque l'émergence de processus évolutifs en favorisant la formation d'une zone proximale de développement. Encadré, soutenu par un adulte ou un pair plus compétent que lui, l’enfant parvient à réaliser une tâche qu’il réussira par la suite tout seul lorsque les compétences et les conseils du tuteur, "une fois intériorisés, deviendront une conquête propre de l’enfant". L’aide qu’un tuteur apporte en rendant une tâche plus intelligible et en facilitant la mise en œuvre de procédures de résolution joue un rôle de médiation entre le niveau initial du tutoré et ce qu’il sera ensuite capable de faire. Bien sûr, "pour que la médiation conserve sa fonction sémiotique, le tuteur ne doit pas faire à la place de l'élève". A sa manière, et plus ou moins bien selon sa propre compétence, le tuteur met en œuvre un dispositif d'assistance et de soutien de l'action de l'autre, qui correspond à ce que Bruner appelle processus d'étayage.

L’effet-tuteur

Cette expression désigne le bénéfice personnel retiré par les élèves qui apportent une aide. Ces relations interactives d’instruction constituent un dispositif médiateur du développement de la capacité à apprendre des tuteurs en sollicitant leur capacité à enseigner, à expliquer.

Le tutorat valorise l’image de soi. Le regard différent des enseignants sur les tuteurs, leur responsabilité, leur mobilisation, favorisent l’acceptation de la chose scolaire. Plusieurs études ont souligné que le fait d’être tuteur aide à prendre confiance en soi, à se sentir plus assuré quant à ses possibilités intellectuelles.

Il permet un apprentissage par la reformulation qui amène les élèves-tuteurs à revisiter des connaissances, à les réorganiser, à mieux voir l'essentiel. Ayant à apporter une aide, le tuteur produit des explications : il est sollicité sur un plan métacognitif, au niveau des fonctions régulatrices de l’action (capacités d’organisation, de contrôle, d’évaluation et de vérification). Il apprend à porter un regard critique sur ce qui est fait, à se distancier par rapport à sa propre manière de faire, à réfléchir afin de mieux agir.

Il y a une mobilité cognitive, formatrice pour le tuteur, car il opère de constants va et vient entre ce qu’il pense d'une tâche et de la manière de s’y prendre pour la réaliser, et la nécessité de regarder ce que fait l’autre et comment il le fait, de vérifier et d’évaluer ce qu’il a fait, de lui montrer ce qui ne va pas en lui expliquant pourquoi ça ne va pas, en lui suggérant ce qu’il pourrait faire, etc. Ce processus d'étayage crée une situation d’apprentissage où s'articulent pensée, parole et action. »

et (http://recherche.aix-mrs.iufm.fr/publ/rapports/cncre/CNCRE02.pdf CNCRE - QUESTIONS D’ÉDUCATION - Rapport de l’équipe IUFM d’Aix-Marseille / LAMES – Octobre 2000)

« Du côté des acteurs, moniteurs et élèves aidés, une multitude de problèmes ou de difficultés sont relevés. Il y a quelques refus d’aider ou d’être aidé, refus qui nécessitent des explications supplémentaires. Il y a les moniteurs un peu imbus de leur rôle, parfois désagréables ou suffisants vis-à-vis des enseignants et autoritaires par rapport à ceux qu’ils doivent aider, d’où un travail de régulation, de mise au point, de discussion quant à la manière d’assumer le rôle. On trouve aussi des moniteurs un peu démotivés, voire découragés devant la difficulté de la tâche, qui n’arrivent pas à produire les explications souhaitées ; ou même ceux qui se trompent, qui transmettent une réponse erronée, avec un enseignant qui n’est pas toujours présent au moment opportun pour provoquer la rectification. Il y a ceux qui outrepassent les consignes données et qui font à la place de l’autre au lieu d’apporter ce qui est nécessaire pour que l’autre puisse se débrouiller par lui-même. Il y a les incompatibilités, avec des dyades qui ne s’entendent pas. »

Pour prévenir les problèmes, il convient d’accompagner les tuteurs en situation jusqu’à ce qu’ils aient compris et ou établi une démarche compatible avec leur rôle, de leur expliquer le rôle de tuteur, de s’assurer qu’ils ne se trompent pas en les faisant intervenir par exemple sur un exercice qu’ils viennent de terminer, qu’ils ont réussi et dont ils ont expliqué leur façon de le résoudre au formateur.

« […] pour fonctionner correctement comme tuteurs : il faut et il suffit, de ce point de vue, qu’il y ait un écart de compétences suffisant pour justifier le tutorat entre tel et tel élève. Solliciter en tant que tuteurs des élèves faibles est aussi une manière de tirer parti des effets bénéfiques attachés à l’exercice de la fonction de tuteur en aidant ces élèves à progresser. »

« des élèves faibles, plus lents dans leur compréhension, peuvent être des tuteurs efficaces à condition qu’ils soient préparés à ce rôle et qu’ils interviennent dans un champ disciplinaire clairement délimité » (« In the context of clearly-delimitted instruction, and with training, low-achievers can make effective tutors » (Fitz-Gibbon, 1990, p. 33).)

Le reste des citations parlent d’elles-mêmes et nous les reprenons sans autre commentaire, mais revenons à notre démarche.

Le rôle du formateur devient :

  • - Enseigner à motiver
  • - Enseigner à Enseigner la ou les matières.
  • - Enseigner à apprendre en fonction des spécificités du savoir à acquérir et des individus.
  • - Enseigner à fixer les règles de travail d’un groupe en formation en prenant en compte chaque individu.

Ceci en tenant compte de l’aisance de travail du groupe (incluant le formateur) et de la progression de chacun vis-à-vis des trois types d’objectifs.

Le rôle du formateur serait donc d’enseigner aux stagiaires dans l’optique de leur apprendre à enseigner la ou les matières qu’il enseigne lui-même.

Il ne s’agit pas ici de faire de tous les stagiaires des formateurs, mais de travailler dans cette optique. Peu nous importe que tous y parviennent, ni même qu’ils y parviennent entièrement dans toute la complexité de la tâche. Ce que nous cherchons en tant que formateur, c’est dans un premier temps à améliorer l’aisance de travail du groupe, puis peut-être de trouver dans les expérimentations pertinentes et les réflexions des apprentis formateurs des pistes d’améliorations, tout en amenant les stagiaires vers les objectifs fixés.

Mais, me direz-vous, à quoi sert au stagiaire d’apprendre à motiver et socialiser ? De la même manière qu’apprendre aux autres à apprendre une matière où, pour les mathématiques ou l’informatique, apprendre aux autres à résoudre un problème permet de mieux analyser sa propre façon de faire, de l’expliciter, et de l’enrichir, le fait d’appendre aux autres à se motiver ou à déterminer des règles sociales nécessaires à l’apprentissage, permet avec l’aide éventuelle du formateur d’analyser et de justifier ou au contraire contester les règles et les démarches mises en place par le formateur dans le but de les parfaire.

Mais comment apprendre aux stagiaires à enseigner ? Il suffit de mettre en place les règles et les dispositifs auxquels on croit en tant que formateur et d’ouvrir la porte progressivement aux stagiaires, en leur délégant progressivement des tâches et en les suivant dans leurs réalisations. De bonnes portes d’entrée sont le tutorat, la conception d’exercices sur une notion, la conception de séance afin d’aborder une notion. Dans un premier temps, comme dans le tutorat, le formateur devra accompagner les volontaires en rectifiant si besoin est les erreurs des futurs formateurs ou en imposant sa façon de faire (en dernier recours), mais il devra garder à l’esprit que sa méthode n’est pas La méthode et que même si tel était le cas, elle nécessite d’être adaptée au public particulier composé de chacun des stagiaires et à leur progression vis-à-vis des quatre types d’objectifs de son enseignement. On notera que cette démarche permet au formateur d’intervenir avec beaucoup plus d’aisance devant un groupe dont certains stagiaires maîtrisent le contenu mieux que lui. Il a en effet la possibilité de se placer en position d’apprenant et de chercheur dans l’un ou l’autre des enseignements dont il a la charge et peut aisément placer le ou les spécialistes en position de personne ressource voir les utiliser afin de présenter une notion où construire des exercices.

Revenons à nos hypothèses :

Plus la méthode employée est participative et mieux elle est à même de gérer ou d’utiliser l’hétérogénéité et inversement.

Nous avons exprimé au travers de la définition de l’hétérogénéité et du rôle du formateur selon les pédagogues qu’il apparaît impossible au formateur seul d’apporter une solution à l’hétérogénéité telle que nous l’avons décrite. Si nous admettons une telle définition et un tel rôle du formateur, cette hypothèse apparaît donc plus que jamais d’actualité en ce sens que le formateur ne peut s’appuyer sur personne d’autre que les stagiaires pour réaliser ses objectifs. Remarquons que la pédagogie différenciée attribue une grande place au groupe dans le but de « gérer l’hétérogénéité ».

Les pratiques pédagogiques employées influent sur les représentations que le formateur se fait des seuils d’hétérogénéité (utilisable et gérable).

Nous avons vu au travers des propos de B. SARRAZI que la perception que le formateur a de l’hétérogénéité est fonction de la matière enseignée et de la « sensibilité discriminative » de l’observateur. Si l’on considère que la méthode employée par le formateur est plus ou moins capable d’apporter une solution au problème de l’hétérogénéité, il vient logiquement qu’elle est plus ou moins sensible à l’hétérogénéité. Si on admet que la méthode employée est aussi un outil du formateur, lui permettant d’observer le groupe, et que de la perception vient la représentation, cette hypothèse semble se confirmer dans la théorie.

La gestion de l’hétérogénéité nécessite que le formateur équilibre les pouvoirs entre ses stagiaires et lui.

Nous avons, en exposant notre démarche pédagogique, établi que tel pouvait être le cas. Reste à vérifier l’hypothèse au niveau théorique en faisant le tour des méthodes pédagogiques à la recherche d’un contre-exemple. C'est-à-dire une méthode permettant au formateur d’apporter une solution à l’hétérogénéité sans déléguer de pouvoir, donc de tâche.

La confiance en soi du formateur vis-à-vis de la gestion de groupes est une condition nécessaire pour prendre le risque d’équilibrer les pouvoirs.

Déléguer des tâches, comme dans le cas du tutorat entre pair, revient à déléguer une part de son pouvoir de formateur au tuteur. Le tuteur, en acceptant la tâche d’expliquer, s’empare d’une part du pouvoir du formateur, en ce sens qu’il peut « imposer » au tutoré de refaire l’exercice ou un autre type d’exercice. Il en va de même pour toute fonction que délègue le formateur aux stagiaires, d’où le fait que déléguer crée de nouvelles zones de pouvoir dans le groupe. Le danger pour le formateur, dans la démarche de délégation, est qu’il crée des zones de pouvoirs qui sont à même de devenir des zones de contestations, car confrontés à la nouvelle tâche, le tuteur, le concepteur d’exercice, le concepteur de séance dans le but d’aborder une notion, les stagiaires dont la tâche est de déterminer les notions pertinentes à aborder dans la suite de la formation, sont amenés à réfléchir sur ces tâches et sur la meilleure façon de les mener à bien. Il se peut donc qu’il y ait désaccord entre le formateur et les détenteurs de ces pouvoirs. Le fait de préparer, d’assister et de contrôler le tuteur, par exemple, dans l’exécution de sa tâche, a pour but d’éviter les dérives et de former le tuteur, mais aussi de se placer dans le rôle de référant, de personne ressource vis-à-vis du tuteur, de garder sa légitimité en tant que formateur. La difficulté, en tant que formateur, vis-à-vis de ces nouveaux détenteurs de pouvoir est de garder le contrôle du groupe, le temps que ceux-ci soient opérationnels et qu’il aient intégré les contraintes nouvelles qui s’imposent à eux et qui sont, entre autres, la nécessité de progresser vers les objectifs de la formation, tous ensemble, sans laisser de côté les plus faibles, ni que les plus fort ne s’ennuient. Il faut donc éviter de perdre le contrôle du groupe avant que ne soient complètement intégrées ces contraintes. Les risques qu’impliquent la délégation de tâches sont donc liés au pouvoir que l’on créé chez ceux qui l’acceptent. Il convient donc d’être en capacité de reprendre ce qu’on a délégué, pour éventuellement déléguer à un autre, en cas de « dérapage », c'est-à-dire de non respect des contraintes liées à l’exercice de la tâche. Pour reprendre cette tâche à son compte, ou l’attribuer à quelqu’un d’autre, il est donc nécessaire de justifier de son action, ou d’imposer cette décision, vis-à-vis du groupe et de la source de pouvoir que l’on a créé, cela nécessite donc des compétences en terme de gestion de groupe. D’où le fait que pour envisager de déléguer, il faut penser être en capacité de gérer le groupe. Et qu’est ce donc que « penser être en capacité de » sinon avoir confiance en soi dans l’accomplissement de cette tâche ?

Une autre dimension plus « personnalisée » intervient dans le cadre de cette notion. Pour déléguer au sein d’un groupe, certes il convient d’avoir confiance en ses capacités à gérer les groupes en général, mais il est nécessaire d’avoir confiance en ses capacités à gérer ce groupe en particulier. Il est donc évident que l’idée de délégation ne peut s’envisager sereinement qu’avec un groupe dont on s’est prouvé, ou dont on estime, que l’on peut le contrôler. En ce sens, déléguer ne peut s’envisager et donc se concrétiser dans un groupe que si l’on n’est pas ou plus en recherche de contrôle, de maîtrise, vis-à-vis de lui.

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<br /> Bonjour, <br /> <br /> <br /> Grand merci à vous d'avoir soulevé le problème de la motivation. Oui, la motivation des apprenants reste le pilier de<br /> tout acte d'enseignement ou formation. Et encore mieux les attentes des apprenants  sont souvent différentes. Mais , je souhaite soulever le cas de l'insuffisance de la motivation chez<br /> l'enseignant ou le formateur dans le cas où il pratique ce métier NOBLE malgré lui.  Il se peut qu'il soit contraint. Ses patients  peuvent être  ailleurs. Exactement pareille<br /> comme un couple de parents professeurs dont le père enseigne les fondements de l'éloquence, la mère enseigne les sciences de la perspicacité et leur enfant qui jette son cartable par terre<br />  et leur crie au visage  qu'il n'aime l'école.<br /> <br /> <br /> Le métier d'enseignant ou formateur doit être pratiqué par amour, par passion et ne doit du tout pas être lié  aux<br /> manquements ou insuffisances des moyens matériels. L'enseignant qui aime son métier pourrait être facilement devenir un vrai professionnel  créatif. Il  pourrait augmenter toutes les<br /> conditions d'approche envers lui en tant qu'enseignant ou formateur  et de là bien sûr envers sa matière. Il  montrera une grande disponibilité  en dehors de son emploi de temps.<br /> Il aime son métier. Il veut réussir et faire réussir.<br /> <br /> <br /> Dans le cas contraire, il ne pourrait motiver ses apprenants et même s'il essaie de faire semblant, il ne sera pas<br /> convaincant.<br /> <br /> <br /> Pourquoi  et comment vit-on l'ère de la médiocrité dans l'enseignement et la formation?<br /> <br /> <br /> Cordialement, <br /> <br /> <br /> ZMAIMITA<br /> <br /> <br /> http://www.andragopedagogie.com/<br />
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